Game Fever
Here are some my contributions to the script of “Game Fever”, a feature documentary directed by Hérvé Martin Delpierre
Kunshan, banlieue de Shanghai, décembre 2014.
« Ils sont les gladiateurs des temps modernes ! Ils sont la fierté de tout un peuple ! » La voix du speaker résonne comme un coup de tonnerre. Face à lui, 30 000 personnes debout frappent dans leurs mains et martèlent le sol avec leurs pieds. Une clameur s'élève alors et des milliers de voix scandent dans un grondement « We ! WE !! WE TEAM !!! WE !!!!... »
Sur la grande scène, derrière la paroi en verre de leur box futuriste, les 5 membres de la We Team - la célèbre équipe chinoise de League of Legends - entendent à peine ce vacarme. Ils écoutent religieusement les dernières consignes de leur manager avant d'affronter les 5 membres de la team américaine de SoloMid. « Sky », leur manager, leur explique de rester imperturbables quoi qu'il arrive, même s'ils perdent les deux premières manches, peu importe : « restez cool, vous n'avez pas joué des milliers d'heures pour vous laisser gagner par le stress le jour J ». Sky sait de quoi il parle, il a tout gagné dans sa carrière et si cette saleté de canal carpien ne lui bloquait pas la main gauche, il serait assis avec eux pour tout gagner. Parce qu'en 5 ans, il a tout gagné.
En Chine, il est la star absolue, même s'il a arrêté sa carrière de pro gamer. Il a plusieurs millions de followers sur Renren, le Facebook chinois, avec des pointes à plus de 30 millions de viewers aux quatre coins du globe pour ses plus grandes victoires internationales. Mais depuis un an, c'est eux, les 5 de la WE Team, qui sont sa fierté. Il les a choisis, formés, éduqués dans la gaming house, vivant 24h sur 24 en communauté pour en faire les nouveaux héros de l'eSport. Il leur glisse un dernier conseil avant de s'éclipser. Ses obligations de méga vedette l'appellent. Une pub à tourner pour Adidas ?... Non ça c'était le mois dernier... Là, il doit remettre un trophée à l'autre grande légende de l'eSport : le coréen « Moon ». Le seul qui peut rivaliser avec lui à l'applaudimètre, même ici en Chine. Moon a arrêté sa carrière il y a quelques mois déjà, 28 ans, « trop vieux peut-être ?.. Pourtant, il a encore l'air en forme. » De toute façon, ce mec lui a toujours donné l'impression d'être fait d'un autre métal que le commun des mortels. Il lui a souvent envié ses surnoms « Moon la légende, Moon la Cinquième race de Warcraft »...
Moon est en coulisses. Tapi dans l'ombre, il attend que les portes de la grande scène s'ouvrent et que les projecteurs l'inondent de lumière pour apparaître. Il n'a aucune envie d'être là, il ne sait même pas pourquoi il a accepté de venir, mais c'est trop tard... Quoique, il est « Moon la légende », le seul gars qui a réussi à ensorceler les combattants de son adversaire, sans qu'il puisse réagir pour les retourner les uns contre les autres. Les commentateurs hurlaient dans leurs micros. Dans la foule des fans, certains pleuraient comme si Dieu venait d'envoyer un message sur Terre. Pour le flatter, une journaliste ira jusqu'à lui dire que les 150 millions d'eSport gamers dans le monde ont vu par la suite les images de son exploit.
Mais ce soir, pas d'ensorcèlement possible, il faut entrer en scène « Moon ! Moon !!... » Le public brandit d'immenses banderoles à son effigie « Moon the 5th Race » Sky lui sourit au loin...
« Moon ! Moon !! Moon !!! » Dans la foule des spectateurs chinois, une tête se distingue parmi les autres. Est-ce sa blondeur, la blancheur de sa peau, sa haute stature, son immobilisme et son mutisme devant un tel débordement ?... Non, BabyKnight est scotché devant l'ambiance. Pourtant, à 21 ans, il a déjà tout vu dans les grands tournois d'eSport. Rien que cette année, que ce soit aux USA ou en Europe, comme lors de la DreamHack pas très loin de son Danemark natal. 10 000 ordinateurs alignés dans un immense hangar suédois avec des mecs qui jouent nuit et jour, ça cloue le bec des ringards, mais ça n'a pas la même ferveur que ce qu'il voit là.
Et puis Moon et Sky, sont devant lui, le jeune pro gamer européen. Il voudrait bien être dans la même lumière que ces deux stars. « C'est clair qu'ici, en Asie, on les regarde autrement les pro gamers. La vieille Europe est décidément larguée. »
BabyKnight hausse les épaules. C'est pas faute de faire tout son possible pour les égaler ces Coréens et ces Chinois. Il en a bavé, ces derniers mois, dans la Gaming House de Millenium, pour améliorer son jeu sur Starcraft2. Combien d'heures par jour, combien de nuits dans un duvet loin de chez lui. Combien de galères de pognon, combien de crises familiales son père lui demandant « d'arrêter ses conneries avec son jeu de merde ». Et lui de répondre :
- Papa, je gagne pas beaucoup mais je gagne autant que toi quand même !
- Oui, mais l'avenir mon fils, ça va être quoi ton avenir ?... hein ?!!
Mais papa qu'est-ce que tu connais de l'avenir, toi ?...
Shanghai janvier 2014
Dans un Starbucks d'un shopping mall chic, Sky King et Zax, les trois partenaires fondateurs de la Team WE attendent nerveusement le joueur clé de l'équipe concurrente Vici Gaming, SLmZ. L'enjeu est de taille car depuis quelques semaines, l'équipe est dans les tourments de la reformation. Sky a fait des pieds et des mains pour convaincre ses amis de l'intérêt stratégique de l'achat de ce joueur… mais, la négociation se passera-t-elle bien ?... le ticket sera cher, cela ne fait pas de doute.
Accompagné de son manager, Chan, Han Jin, le potentiel transfuge arrive enfin… ils passent directement au comptoir pour commander d'énormes et improbables Latte et viennent s'asseoir sans façon devant les WE. Tout le monde se connaît très bien.
« C'est un demi million de Rmb, et tous les frais payés… annonce de but en blanc Han »
Estomaqué, Zax, le boss semble avoir pris un uppercut… il fait signe à ses compères que c'est mort. Se levant, il conserve son flegme « On va se faire ganker comme cela… Xie xie….on y va… » Il lâche un billet rouge de 100 rmb sur la table…. « C'est Mao Tongzhi qui offre le café » et commence à partir suivi de King et d'un Sky dépité…. Une main crochue retient le coton de son pantalon de survêt… « Duo Chao (Combien ?) …. Zax répond que c'est 300 K ou rien…. Affaire conclue
Avril 2014, ville de Shanghai. Gaming House de la WE Team.
La Gaming House de la Team WE n'est pas vraiment « une maison ». C'est au 46e étage d'une tour de la proche banlieue de Shanghai que l'équipe phare LOL chinoise s'entraîne, jour après jour. Il faut pour y accéder, pénétrer dans le complexe de 10 tours, traverser la plateforme centrale où se trouve un terrain de basket, prendre deux ascenseurs. L'appart est assez grand pour le standard shanghaïen. On y sent un petit air de colo de vacances familiale. Dans les chambres spartiates, 6 lits superposés où dorment les athlètes digitaux. 6 heures du matin, tout le monde debout. C'est la Ayih (« la tante », la « nounou », la dame de service et de ménage) qui réveille tout le monde. Le petit déjeuner de « zhou » *(un gruau de riz simple et sain qui fournit de l'énergie toute la journée) et de fruits est déjà sur la table. Les post ados s'assoient un à un, encore groggy de sommeil et saluent Li « Sky » Xiao Feng d'un « Da Ge » (大哥, grand frère) respectueux. Wei Xiao, pilier de l'équipe arrive. Il est le seul à dormir « chez lui » (en fait l'appart du dessous) car, presque marié, sa girlfriend qui bien que fan de jeu, n'en pouvait plus de vivre, manger, respirer et chier League of Legends, ayant exigé un peu d'intimité.
Sky fait un discours pour les membres de la team LoL. Il annonce les titulaires et les remplaçants pour les prochains tournois. Certains visages s'illuminent d'autres se figent, c'est la loi du genre, la loi de l'eSport. Il annonce le planning des tournois et le planning des entraînements. Les coachs donnent des précisions sur les attentes et les impératifs de chacun des 5 titulaires de l'équipe League of Legends.
Les entraînements sont intensifs et quasi militaires, jour et nuit, ils ne quittent pas leur box, sauf pour effectuer un entraînement physique. Par moments certains craquent un peu, mais il faut le cacher, ne pas montrer de faille même dans sa propre équipe.
Shanghai
Fin juillet 2014, New Shanghai Convention center, The China Joy event.
Fendant la foule bigarrée du plus gros salon de divertissement digital de Chine, Sky ne semble pas voir les Cosplayeuses, qui sentant la présence de la star, sortent brusquement de leurs poses à son passage. Il est soucieux, très soucieux et doit se rendre au plus vite dans la suite de repos des joueurs de l'Intel Extreme Masters series season 9. Depuis quelques jours, Han « Slmz » Jin ne performe pas à la hauteur des attentes placées en lui. Pourtant, ce n'est pas faute de passer du temps avec lui. Les heures d'entraînement, l'attention personnelle, les attentions particulières n'ont pas manqué. Ce n'est quand même pas banal d'être drivé par le joueur d'esport le plus connu du pays. Lui faire ça à lui, et à quelques minutes seulement du premier match de qualif face à leurs adversaires de toujours, les OMG. On n'imaginerait pas un jeune espoir du foot ayant pour mentor Pelé se comporter ainsi ! L'enjeu est de taille : la réputation de l'équipe qui fut vainqueur de ce même tournoi un an plus tôt, l'honneur de Sky vis-à-vis de ses partenaires qu'il a personnellement convaincus de fixer leur choix sur l'ex joueur de Vici Gaming. Sky pousse la porte de la salle de repos, fonce directement vers le Box de son équipe. Tout le monde est là, comme prostré devant un SLmZ aux yeux bouffis, au nez morveux, secoué de sanglots incontrôlables. « Alors ?!!! » sussure Sky réprimant sa colère…». Misaya, une des légendes retraitées de l'équipe répond : « Il dit qu'il ne veut pas bouger, que c'est parce que Xiao Cang ne veut pas de lui, qu'il ne sent pas de jouer, qu'il est trop triste et ne peut pas se concentrer ». Dans le box voisin, une bande de 5 joueurs, tout de black vêtu se lève, menée par leur manager, une longue fille aux allures d'Olive Oil en plus sexy. Les OMG passent devant l'équipe déconfite et un Sky qui cherche, malgré tout, à ne pas perdre la face. « Alors, dit Shirley Zhou, la manager des OMG sarcastique… on a un chagrin d'amour ? ». « Tout va bien, on se verra sur la stage »
définition de la rivalité... des gains potentiels et des enjeux pour l'année en cours.
Shanghai, un cyberbar
« Ce qui m'importe le plus, c'est de voir l'e-sport reconnu en Chine et dans le monde » Debout au milieu d'une forêt d'écrans pulsant leur lumière sur des centaines de visages Li Xiao Feng, profite de ces quelques minutes d'anonymat qu'il lui reste. Car pour lui, pénétrer dans un Wang Ba (网吧, « bar » internet) est devenu une gageure, un challenge. Bientôt quelqu'un, un technicien de maintenance, une « fu wu yuan » (personne de service), un joueur levant le nez de son clavier pour une pause clope le reconnaîtra comme la star qu'il est devenu : SKY, la légende Chinoise de Warcraft. Alors, ce sera la folie..
Au début, je n'avais pas d'argent pour me payer un ordinateur. J'étais, comme la plupart de mes camarades, bien obligé d'aller dans ces lieux. Car c'est là que tout a commencé. À l'époque, ils n'étaient pas aussi bien organisés, ni cool. C'était plutôt des salles poussiéreuses avec des ordis faits de bric et de broc..tout le monde fumait et râlait sur les « Lags » fréquents que les réseaux .. les Wang Guan (techos, manager) avaient bien du boulot et devaient intervenir souvent pour nous permettre de revenir dans le jeu : World of Warcraft. Et pourtant, c'est là que l'esport chinois est né. Nous étions bien loin d'imaginer que nos rêves de gloire seraient partagés par tous ces millions d'adeptes.
Sky entre son ID. Avec un sourire, il lâche sa petite bombe virtuelle dans la case de dialogue texte : « Ni hao du Green Power Netbar de Nanjing road, Shanghai, je suis Sky ! »
Pause.
Soudain, c'est l'explosion de messages, l'écran vibrant de centaines de « Salut Frère Sky », « Hey Sky, file nous un de tes trucs » « Salut Sky, tu vas commenter ou tu viens te moquer de nos techniques de trolls ? »
Une onde passe dans le « Wang Bar », un à un les joueurs se lèvent.. et applaudissent scandant « Seu Kaï ! Seu Kaï ! Seu Kaï ! ».
La star reste cool et humble, se lève à son tour, salue la petite foule et annonce qu'il va commenter un match de son équipe LOL, Team WE, dont il a repris les commandes en tant que coach et que...cela sera son dernier casting avant un bon moment. En effet, désormais il se concentre sur ses fonctions de coach de l'équipe, Warcraft 3 le jeu qui l'a fait, s'étant arrêté. Et puis, Team We, c'est son affaire car depuis le début, il en est le co investisseur.
Ovation. Tant pour le sportif accompli qu'il représente, que pour le self made man qu'il est.
Sky se rassoit dans son DX racer, chausse son casque-micro I-Rocks IH3 marqué aux couleurs de l'équipe et se lance dans un commentaire fiévreux du match en cours sur la toile.
« Et bien nous voici de nouveau réunis pour un match très exxxxcitant (ji dong) qui oppose mon équipe favorite, Team We academy en un match amical contre la toute fraîche équipe LOL Millenium. Laquelle de ces deux équipes aura le « FB » (first blood) et cette partie sera-t-elle un « GG » (good game)… en tout cas, prions les dieux des réseaux pour que la connexion soit stable et que le jeu ne soit pas ralenti par ces insupportables lags ……. Les équipes sélectionnent leurs héros….. Ohhhh je vois que mon grand ami Rémi Llewellis a bien chauffé ces ex Alternate…. Voici le Jungler Aranea qui défonce quelques « minions », ahh quel niveau….. »
Tout le monde bien sûr s'est rassis…. Chacun scotché à son moniteur, buvant les paroles de la légende.
découverte de ce qu'est un streaming et de l'audience, compréhension de l'importance du business. Sky commente un tournoi LoL en compagnie d'une jolie jeune femme.
Xiao Cang (Freesia= un type de fleur) : la casteuse LOL : Xiao Cang/ Cany Zhang Xiang Ling est née le 3 août 1984, à Changsha dans la province Hunan. Son père, entraîneur d'athlétisme est fidèle à la tradition chinoise et lui impose des standards d'excellence élevés tant dans le sport qu'à l'école. Cependant ce sont les jeux vidéo qui l'intéressent et elle surprend ses parents en exigeant, en récompense de ses bonnes notes un ordinateur, objet cher pour le niveau de vie de la famille. En 2003, elle apprend que des filles se sont lancées dans le jeu Warcraft. Elle rejoint alors des équipes féminines, réalisant son rêve. Elle est pro mais ne domine pas et c'est en 2005 qu'elle a l'opportunité d'entrer dans le club des casteurs en répondant à l'invitation du portail web TOM.com.
En 2008 c'est la réussite : elle peut à la fois être joueuse pro et commentatrice, son style passionné et professionnel étant suivi par de nombreux fans. Elle devient aussi journaliste pour un quotidien de sa province natale et est porteuse de la flamme olympique … Comme beaucoup de joueurs pro en Chine, elle prête son nom à un shop en ligne dont un magasin alimentaire ! Elle peut enfin acheter une maison à ses parents mais tout ceci a un coût et elle frôle le burn out.
Team We academy
Sous la direction de Sky, l'équipe au complet se défonce physiquement au basketball sur le terrain cerné de tours de la résidence. Sky est un fan de basket. Il est pour lui essentiel de se maintenir en bonne forme physique pour survivre au régime intensif auquel il soumet son équipe.
Scenes ideas.
1/ WCG 2014
La revanche de Team We academy sur OMG.
2/ Une connexion/conversation skype entre boss d'équipes Rémi et Sky….secrets de management
3/ Team WE va au resto roots Chinois (bonding)
4/ Sky passe à la TV chinoise/studio
5/ Une inspection des produits « brandés ». Il y a un souci de qualité.